La convention collective des travaux publics accorde aux ouvriers occupés sur les chantiers, une prime de déplacement forfaitaire destinée à indemniser les « frais supplémentaires qu’entraîne pour eux la fréquence des déplacements, inhérents à la mobilité de leur lieu de travail » (article VIII de la CCN des travaux publics). Cette indemnisation complexe est calculée selon un barème progressif appliqué sur des cercles concentriques dont le centre est le siège de l’entreprise (ou un établissement).
Si dans l’esprit des partenaires sociaux, cette indemnité n’avait pas vocation à être versée dès lors que le déplacement est inclus dans les horaires de travail, la Cour de cassation a jugé le contraire dans un arrêt de principe de 1998 en estimant que cette indemnité vise à compenser la sujétion que leur impose la nécessité de se rendre chaque jour sur des chantiers différents, avant et après les horaires de travail, et qu’elle doit être versée même si le salarié est par ailleurs rémunéré pendant ces déplacements (Cass. soc. 6 mai 1998, n°94-40.496, Abadie c/ Martins).
Cette interprétation est vivement contestée par les organisations patronales de la branche qui la considèrent comme un dévoiement du dispositif originel. Et la pratique montre d’ailleurs qu’elle est appliquée de manière divergente par les différents partenaires institutionnels (URSSAF, DIRECCTE, …)
Incidemment, on observe que cette analyse induit une exclusion de certains salariés du champ d’application de l’indemnité, et notamment des chauffeurs-livreurs chargés de l’approvisionnement des chantiers en matériaux, d’abord parce que leur assimilation à la catégorie conventionnelle des ouvriers est discutable, et ensuite parce que le déplacement vers le chantier ne peut s’analyser en une sujétion liée à leur fonction, dans la mesure où c’est l’objet même de leur prestation contractuelle de travail.
C’est sous cet angle que les avocats de NEOCIAL ont examiné la demande en paiement d’indemnité de déplacement présentée par un chauffeur à l’encontre d’une entreprise de TP, en décidant, avec le soutien d’une organisation patronale, de pousser l’analyse de la Cour de cassation dans ses retranchements.
A juste titre, puisque les arguments développés ont convaincu le Conseil des Prud’hommes de La Roche sur Yon qui, dans un jugement du 22 septembre 2015, a jugé, d’abord que les chauffeurs ne sont pas des ouvriers au sens de la Convention collective, et ensuite que les déplacements ne constituent pas en ce qui les concerne une sujétion liée à leur emploi, mais l’exécution de la mission contractuelle pour laquelle il sont déjà rémunérés.
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