La Cour de Cassation considérait jusqu’à présent que, dès qu’un salarié était victime de harcèlement moral, l’employeur manquait à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.
Ni l’absence de faute commise (Cass. soc. 21 juin 2006, n°05-43.914) ni même le fait d’avoir pris les mesures nécessaires pour faire cesser ces agissements dès qu’il en avait eu connaissance (Cass. soc. 19 novembre 2014, n°13-17.729) n’étaient de nature à l’exonérer de sa responsabilité.
Opérant un véritable revirement de jurisprudence en la matière, la haute juridiction a posé comme nouveau principe dans un arrêt du 1er juin 2016 que :
« ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4141-1 et L 4141-2 du Code du Travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser. » (Cass. soc. 1er juin 2016, n°14-19.702 FS-PBRI)
Ainsi, l’employeur peut désormais s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie :
– avoir pris en amont, les mesures nécessaires propres à prévenir toute situation de harcèlement moral : actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d’information et de formation, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ( L 4141-1 précité) dans le respect des principes généraux de prévention (L 4141-2 précité).
– avoir pris les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.
Ces conditions sont cumulatives.
Au cas d’espèce, l’employeur avait introduit dans son règlement intérieur une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral, procédure qu’il avait mise en œuvre pour y mettre fin (enquête interne sur la réalité des faits et réunion de médiation avec le médecin du travail, le directeur des ressources humaines et 3 membres du CHSCT ayant abouti à la mise en place d’une mission de médiation de 3 mois entre les deux salariés en cause confiée au directeur des ressources humaines).
La Cour de Cassation considère que de telles mesures ne sont pas suffisantes pour permettre à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité.
Elle lui impose en effet de pouvoir justifier avoir mis en œuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4141-1 et L 4141-2 du Code du Travail.
Et, dès lors qu’en l’espèce l’employeur ne justifiait pas avoir mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, il ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité, et ce même si d’autres mesures de prévention avaient par ailleurs été mises en place (procédure d’alerte introduite dans le règlement intérieur).
Cette solution même si elle se montre exigeante à l’égard de l’employeur concernant les mesures de prévention qu’il doit justifier avoir mises en œuvre pour éviter l’apparition de faits constitutifs de harcèlement moral, marque un nouvel assouplissement important de l’obligation de sécurité de résultat à laquelle est tenue l’employeur en matière de santé et de sécurité des travailleurs dans l’entreprise.
La Cour de Cassation confirme ainsi l’importante évolution jurisprudentielle amorcée en la matière dans son arrêt Air France du 25 novembre 2015.