Aux termes de l’article L.2317-1-1 du code du travail créé par la loi du 21 décembre 2022, un salarié qui abandonne volontairement son poste et qui ne reprend pas le travail, après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans le délai fixé par l’employeur, est considéré comme démissionnaire. La loi renvoyait à un décret d’application, les conditions de mise en œuvre de cette démission présumée. Ce décret, très attendu, vient d’être publié au JO du 18 avril 2023. A noter que le même jour, le Ministère du travail a également publié une circulaire questions/réponses sur son site internet.
Pour pouvoir invoquer une présomption de démission, deux conditions doivent être réunies :
- L’employeur doit avoir mis en demeure le salarié de justifier son absence ou de reprendre son poste
- L’abandon de poste doit être volontaire et ne pas reposer sur un motif légitime
- Procédure de mise en demeure : un délai de 15 jours minimum
Pour faire valoir la présomption de démission, l’employeur qui constate que son salarié a abandonné son poste doit le mettre en demeure, par LRAR, de justifier son absence et/ou de reprendre son poste dans un certain délai.
Le décret fixe la durée minimale de ce délai à 15 jours. Ce délai commence à courir à compter de la date de présentation ou de remise de la mise en demeure. Selon la circulaire Q/R du Ministère du travail, ce délai doit se décompter en jours calendaires.
C’est donc uniquement à l’expiration de ce délai de 15 jours que le salarié qui n’aura pas répondu ni présenté un motif légitime, pourra être considéré comme démissionnaire.
- Motifs légitimes faisant obstacle à la démission présumée
Dans sa décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022, validant les dispositions de la loi, le Conseil Constitutionnel avait rappelé, en se référant à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qu’il n’y a pas d’abandon volontaire si l’absence est justifiée par un motif légitime.
Dans le prolongement de cette décision, le décret mentionne plusieurs motifs légitimes susceptibles de faire obstacle à la présomption de démission : raisons médicales, exercice du droit de grève, exercice du droit de retrait, refus d’exécuter une instruction illégale ou refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail.
L’utilisation de l’adverbe « notamment », dans le décret, signifie que la liste réglementaire n’est pas exhaustive et que la jurisprudence pourra reconnaître d’autres motifs légitimes.
- Un licenciement disciplinaire impossible ?
Selon la circulaire Q/R publiée le 18 avril, le Ministère du Travail précise que s’il n’est pas tenu d’adresser une mise en demeure en cas d’abandon de poste, l’employeur qui désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. Selon le Ministère du travail, il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute.
En clair, l’employeur dispose d’une alternative : soit laisser pourrir la situation en maintenant artificiellement son salarié dans l’effectif sans le rémunérer, soit engager la procédure de démission présumée. Cette interprétation très contestable devra être confirmée par la Cour de cassation.
Sources :
Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 instituant l’article R.1237-13 du Code du travail
Circulaire questions/réponses du 18 avril 2023 – présomption de démission