En principe, lorsque le salarié est déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l’entreprise : c’est ce qu’on appelle l’obligation de reclassement.
Et l’employeur ne peut licencier le salarié que s’il est libéré de son obligation de reclassement :
- Soit parce qu’après une recherche loyale et complète, il constate qu’il n’existe aucune solution de reclassement dans l’entreprise
- Soit parce que le salarié refuse la ou les solutions de reclassement proposées
- Soit encore parce qu’il en a été dispensé par l’avis du médecin du travail, qui mentionne expressément que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé» ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Le modèle normalisé de l’avis d’inaptitude utilisé par les médecins du travail comporte ces deux mentions et il suffit pour le médecin de cocher la case correspondante lorsqu’il entend dispenser l’employeur de son obligation de reclassement.
En pratique, cependant, il n’est pas rare que les médecins du travail s’affranchissent de ce formalisme en utilisant une formule proche ou en ajoutant une mention à la formule cochée.
Dans un tel cas, la dispense de reclassement est-elle encore valable ?
Cette question n’est pas anodine. En effet, si l’employeur, croyant être dispensé de son obligation de reclassement, procède au licenciement du salarié sur le fondement d’une formule non conforme, alors il s’expose, faute d’avoir respecté son obligation de reclassement, à être condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ainsi, il a été jugé que l’employeur avait méconnu son obligation reclassement lorsque le médecin du travail avait indiqué que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi « sur le site » ou « dans cette entreprise ». En effet, pour les juges, en ajoutant ces précisions, les médecins du travail avaient entendu limiter le périmètre de l’inaptitude et l’employeur ne se trouvait donc pas libéré de l’obligation de reclassement sur un autre site, ou dans un autre établissement (Cass. Soc. 8 février 2023 n°21-11.356 ; Cass. soc., 13 décembre 2023, n° 22-19.603).
Toutefois, dans un arrêt du 12 février dernier, publié au bulletin, la Cour de cassation semble vouloir adopter une position plus souple.
En l’espèce, un salarié, employé en qualité de directeur des ventes, avait été placé en arrêt de travail pendant plusieurs années et, lors de la visite de reprise, avait été déclaré inapte par le médecin du travail, qui avait utilisé la formule : « Inapte à la reprise du poste occupé. L’état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l’entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste. »
Licencié par son employeur pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. Il reprochait notamment à l’employeur de s’être cru dispensé de son obligation de reclassement, alors que la formule utilisée par le médecin du travail n’était pas strictement identique aux formules réglementaires.
Débouté par la Cour d’appel, il se pourvoit en cassation.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si le médecin du travail doit respecter au mot près l’une des formules réglementaires prévues par le code du travail, ou si une formule équivalente suffit à dispenser l’employeur de son obligation de reclassement.
La Chambre sociale approuve la Cour d’appel d’avoir considéré qu’au regard de la formule utilisée par le médecin du travail, l’employeur n’était pas tenu de rechercher un reclassement, cela même si la mention de l’article L1226-12 du code du travail n’est pas reprise à l’identique.
Pour la Chambre sociale, en effet, la formule utilisée par le médecin du travail était équivalente à la mention prévue par le code du travail.
C’est un assouplissement notable et louable de la Cour de cassation, qui fait preuve de pragmatisme. Reste cependant à circonscrire le champ et le contenu des « formules équivalentes » permettant aux employeurs d’être dispensés de leur obligation de reclassement.
En cas de doute sur le contenu d’un avis d’inaptitude, nous vous conseillons vivement de vous tourner vers votre Conseil.
Le Cabinet NEOCIAL, fort de son expertise, vous conseillera au mieux sur les suites à donner à un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail.
Source : Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2025 n° de pourvoi 23-22.612, FSB