Le 1er mai 2024, plusieurs boulangeries vendéennes ont été contrôlées et verbalisées par des agents de contrôle de l’inspection du travail parce qu’elles avaient fait travailler leurs salariés le jour … de la fête du Travail. A l’approche du 1er mai prochain, les boulangers craignent de nouvelles actions de contrôle de la part de l’inspection du travail. C’est l’occasion de rappeler la règle posée par le Code du travail et la jurisprudence.
- Le 1er mai, jour obligatoirement chômé sous peine de sanction
L’article L3133-4 du code du travail dispose que « le 1er mai est un jour férié et chômé », ce qui signifie que le travail des salariés le jour du 1er mai est en principe interdit.
Le non-respect du repos obligatoire de ce jour férié expose en théorie l’employeur à une sanction pénale (amende de 750 € appliquée autant de fois qu’il y a de salariés indûment employés). L’amende est portée à 1.500 € pour l’emploi d’un jeune de moins de 18 ans le 1er mai.
- Existe-t-il des dérogations ?
Oui, le code du travail permet une dérogation pour les « établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail ». Dans ce cas, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire. En clair, ils sont payés double.
Mais force est de constater le flou pas très artistique entourant cette notion « d’activité ne permettant pas d’interrompre le travail ». Flou qui devient carrément brouillard, si on considère que, contrairement au repos dominical, aucun texte réglementaire ne vient fixer une liste d’activités permettant de déroger au chômage du 1er mai.
En mai 1986, Martine Aubry, alors Directrice des relations du travail, avait admis dans une position ministérielle que les activités autorisées de plein droit à travailler le dimanche, pouvaient déroger au principe du chômage du 1er mai.
Mais cette position a été remise en cause par la Cour de cassation qui a jugé que la loi n’institue aucune dérogation de principe au repos du 1er mai en faveur des établissements et services bénéficiant d’une dérogation permettant d’organiser le repos dominical par roulement (Cass. Crim. 14 mars 2006 n°05-83.436).
Les employeurs souhaitant faire travailler leurs salariés le 1er mai doivent donc démontrer que la nature de leur activité ne leur permet pas d’interrompre le travail le jour du 1er mai.
Pour certaines activités, le maintien de l’activité et le travail du 1er mai font largement consensus, : c’est par exemple le cas des hôpitaux, des maternités, des EHPAD et des entreprises de sécurité… Mais pour les autres, faire travailler les salariés le jour de la fête du Travail est un saut dans l’inconnu.
- Le secteur de la boulangerie artisanale entre-t-il dans le champ de cette dérogation ?
Rien n’est moins sûr. Les organisations patronales de la boulangerie font certes remarquer à juste titre que les boulangeries ont toujours été ouvertes le 1er mai, mais cet argument n’est pas opérant : ouvrir illégalement pendant plusieurs années ne saurait constituer ni un usage ni un droit acquis.
C’est donc sur le terrain de l’impossibilité d’interrompre le travail qu’il faut se placer.
Ainsi, le travail des salariés participant à la fabrication du pain livré dans des EHPAD, hôpitaux, prisons, en vertu d’un contrat obligeant le boulanger à livrer du pain frais tous les jours, pourrait peut-être entrer dans le champ de la dérogation… Mais qu’en est-il alors des vendeurs ou vendeuses présents dans le magasin ?
On pourrait aussi invoquer le fait que les boulangeries-pâtisseries sont amenées à traiter des denrées périssables susceptibles d’altération rapide. Cette question avait été soulevée avec succès par une entreprise de restauration, à savoir une brasserie située dans un Drug-store et ouverte le 1er mai. La Cour de cassation avait reproché aux juges du fonds de ne pas répondre à cette argumentation (Cass. Crim. 12 avril 2016 n°14-88.193). Cette voie n’a pas été, semble-t-il explorée par les boulangers-pâtissiers qui, pourtant, utilisent des denrées périssables.
Par ailleurs, les boulangers rappellent, non sans malice, que pendant la crise sanitaire du COVID 19, les boulangeries faisaient partie des commerces et services dit « essentiels » dont l’ouverture dérogatoire était autorisée pendant le confinement. Et ils estiment que ce qui était essentiel en 2020 l’est tout autant en 2025. Toutefois, au regard du nombre important de « commerces et services essentiels » répertoriés par les arrêtés de mars 2020, on peut douter que cet argument puisse prospérer sans remettre en cause le principe même du chômage du jour férié.
Enfin il est invoqué que les salariés, qui perçoivent une rémunération doublée le jour férié, sont souvent volontaires pour travailler le 1er mai, ou encore que le travail des dimanches et des jours fériés est l’apanage des étudiants qui ont besoin de cette manne financière. Mais ces arguments ne sont pas davantage opposables.
En conclusion, pour les boulangers, faire travailler les mitrons le 1er mai, c’est un peu jouer à la roulette russe avec les inspecteurs du travail.
- Le chômage du jour férié n’est pas l’obligation de fermeture
Si le fait de faire travailler ses salariés le 1er mai expose les boulangers à des sanctions pénales, cela ne signifie pas que la boulangerie doit être fermée. Rien n’interdit donc au chef d’entreprise et ses associés, son conjoint associé ou collaborateur, d’ouvrir et d’assurer la vente. Cette possibilité demeure, même si concrètement il est difficile, voire impossible dans certain cas, d’assurer l’ouverture sans le personnel.
En conséquence, ne faut-il pas aller plus loin en supprimant le régime particulier du 1er mai, qui semble relever davantage de l’archaïsme syndical, que de l’élan de communion nationale ? La Ministre du travail a admis que l’application de cette loi est aujourd’hui difficilement compréhensible et a ouvert l’idée d’une réforme permettant, sur la base du volontariat, de travailler le 1er mai.
Pour conclure, on se permettra une question un tantinet facétieuse : le 1er mai étant férié et chômé pour tous les travailleurs, le Ministère du Travail ne se met-il pas lui-même en faute en laissant ses agents de contrôle travailler au cours de cette journée de repos obligatoire ?
Bien entendu, si vous souhaitez plus d’informations sur les problématiques liées aux jours fériés, vous pouvez contacter le Cabinet NEOCIAL.